Post by Jean-Claude GhislainCette technique me semble dépassée et obsolète. Il est vrai qu'il y a
des cas où un mot venu d'une langue X pose des problèmes de
prononciation dans une langue Y et où il faut obligatoirement adapter.
Sinon je suis un citoyen du monde, la tour de Babel et l'incompréhension
des peuples on a déjà donné, je suis pour un usage unique des nouveaux
mots, si le nouveaux mot, qui désigne une nouvelle chose ou une nouvelle
pratique, vient de Norvège on l'utilise tous, s'il vient d'Agentine
pareil, s'il vient d'Iran pareil et ainsi de suite.
Oui, mais chaque langue a son génie propre, qu'on le veuille ou non,
beaucoup plus pérenne qu'on ne le croit souvent, qui franchit les
siècles avec une belle opiniâtreté. Par exemple la place du déterminant
dans les langues romanes, opposée à celle des langues saxonnes. Cette
différence perdure et la frontière linguistique ainsi marquée entre
langues romanes et langues saxonnes par les villeneuve (romanes) et les
neuville (saxonnes) est fixe depuis des centaines d'années.
Il ne s'agit donc pas d'une simple technique limitée aux cas où la
prononciation est difficile (et du reste, pourquoi le serait-elle sinon
pour d'autres raisons, plus intimes ?), elle plonge ses racines beaucoup
plus loin.
Une langue, ce n'est pas non plus qu'un vocabulaire, sinon la ladino et
le judéo-espagnol seraient la même langue, ce qu'ils ne sont pas.
Ramener l'origine de l'incompréhension entre les peuples à un problème
de langue n'expliquerait pas non plus pourquoi les Hutus et les Tutsis,
ou bien les Serbes et les Croates, par exemple, se sont entre-tués, car
ils parlent la même langue, à certaines variantes locales près.
Bien au contraire, parler la même langue mais être différents n'aide pas
à résoudre les conflits, ils les met mieux en évidence.
Et l'inter-compréhension n'est pas non plus synonyme d'identification.
J'ai souvent vu des Danois, des Suédois et des Norvégiens converser
ensemble, chacun parle sa langue, comprise des deux autres sans problème
majeur, mais aucun ne l'abandonne.
Et pour finir, le vocabulaire tend à s'unifier, certes, mais à travers
des adaptations locales nécessaires qui le rend souvent non
reconnaissable. Le basque par exemple comporte de très nombreux mots
d'origine latine, et pour prendre un seul exemple: izarra (tu connais
certainement) signifie étoile, comment y reconnaître le latin stella ?
Post by Jean-Claude GhislainCela jetterait de minuscules ponts entre les langues, pont qui
s'agrandirait lentement mais surement. C'est évidemment une vue très
théorique, le protectionnisme n'est pas mort.
Toutes les langues se nourrissent les unes des autres, c'est même pour
certaines une condition de leur survie. L'anglais, par exemple, n'est si
riche que parce qu'il accepte, et c'est son génie propre, à peu près
tous les apports externes et les digère sans problème.
Les langues romanes, dont le français, acceptent ces apports mais avec
plus de résistance, et c'est aussi leur génie propre.
Il existe ainsi en anglais un nombre incroyable de termes étrangers, non
modifiés, gardant même les accents, comme fiancé, ou naïve, et que les
locuteurs de langue maternelle anglaise reconnaissent comme faisant
partie de leur langue maternelle. Un mot comme week-end ou turf, en
français, sera toujours reconnu comme un mot étranger.
Bracketing, pour revenir au fil, ne sera jamais français, braquettage
peut le devenir, car en français, la racine est libre mais la désinence
ne l'est pas.
Post by Jean-Claude GhislainJe tiens le même raisonnement pour les noms de villes, on ne change pas
le nom de famille d'une personne lorsqu'il franchit une frontière et ce
devrait être pareil avec les noms de villes. Je plains le Français
rentrant en Belgique par la Flandre et désireux de se rendre à Mons en
Wallonie, faut vraiment savoir qu'il doit suivre les panneaux Bergen. Et
pour repartir de Flandre vers Lille, là aussi faut savoir que c'est
Rijsel qui faut suivre.
Oui, c'est même un peu ridicule, trompeur, et cela peut engendrer des
demi-tours sur l'autoroute. Cela montre à quel point les Flamands se
sont sentis, pendant des générations, maltraités par leur bourgeoisie
francophone. Les raisons de cette rancoeur ont disparues, le
comportement reste, preuve encore que résoudre un conflit linguistique
n'est pas si simple car il s'ancre sur quelque chose de très intime chez
les peuples.
Ghost Rider